Pierre S. en collaboration avec Pierre A. étudie les premiers vers (45 mots) du poème de Boris Vian « Un jour »
Boris Vian (1920 – 1959) Un jour (1951)
Un jour
Il y aura autre chose que le jour
Une chose plus franche, que l’on appellera le Jodel
Une encore, translucide comme l’arcanson
Que l’on s’enchâssera dans l’oeil d’un geste élégant
Il y aura l’auraille, plus cruel (…) 45 mots
Le volutin, plus dégagé
Le comble, moins sempiternel
Le baouf, toujours enneigé
Il y aura le chalamondre
L’ivrunini, le baroïque
Et tout un planté d’analognes
Les heures seront différentes
Pas pareilles, sans résultat
Inutile de fixer maintenant
Le détail précis de tout ça
Une certitude subsiste : un jour
Il y aura autre chose que le jour.
Boris VIAN
Remarques de Pierre S à Pierre A : Une partie de votre commentaire est hors sujet parce qu’il s’intéresse au contexte du poème. Or ce n’est pas ce qui est demandé. Je vous propose à l’avenir de faire comme moi : mettre en dehors du commentaire tous les éléments qui lui sont extérieurs et qui demandent évidemment une recherche (non comptabilisée en mots ni en temps passé). C’est ce que j’ai dû faire pour quelques éclaircissements. Voici mon propre commentaire.
Commentaire de Pierre S.
- Le poème de Boris Vian « Un jour » est apparemment simple, énigmatique, au futur simple, temps de la certitude : « Un jour / il y aura… » Le jeu de mots sur « jour » est précisé plus loin par « heures ». Quelle est cette « autre chose » ?
- Le poème est écrit en vers libres caractérisés par des rythmes qui s’allongent avec exaltation dans les six premiers vers et resteront ensuite véhéments.
- Les mots sont détournés de leur sens quand ils en on un. Le « Jodel » est un petit avion très célèbre construit par des amateurs dans des aéro-clubs. L’ « arcanson » est le suc résineux du pain maritime. L’ « auraille » est un village des Alpilles dans la Haute Provence. Ce qui compte, pour nous, ce n’est pas leur sens mais leur sonorité ; elle excite l’imagination sans vouloir donner de « détail précis ».
- Cette « autre chose » est un ailleurs rêvé opposé au « jour » au réel actuel trop décevant. Il sera « plus franc », plus « translucide » peut-être plus « cruel ». « Translucide » est le « monocle » porté hautainement comme un aristocrate (« enchâssé »). On y verra mieux, croit-on.
(216 mots, 2 heures)
Quelques éclaircissements :
Jodel : petit avion construit par des amateurs dans des aéro-clubs;
arcanson : suc résineux du pin maritime
auraille : village des Alpilles dans la Haute-Provence
volutin : n’existe pas en français mais désigne en anglais une substance granuleuse qu’on trouve dans le cytoplasme de plusieurs bactéries
baouf : ???
chalamondre : ???
ivrunini : se dit d’un membre de groupe polyphonique qui aurait trop bu avant d’entrer en scène.
baroïque : ???
Analogne : ce sont des fleurs dont le nom comporte un « u » et qui se transforment de façon anagrammatique si on retourne le « u » en « n ». Par exemple, aspérule devenant éperlans, l’aspérule est une analogne. De même, la marguerite qui devient re-migrante. Par extension, ce mot n’est pas réservé aux fleurs ; on m’a signalé il y a près de neuf mois que l’amour est une analogne qui devient roman…
Voir : http://ecrireiciaussi.canalblog.com/archives/2010/02/06/16729097.html
Roger et Alii – Retorica – 580 mots – 3 300 caractères – 2017-06-30